Soye – guerre 40-45 – la libération – rue de Spy

Cet article est paru dans la revue La Ligue Wallonne de décembre 2004, p. 5, après avoir été publié dans Le Reflet de chez nous (n° 415) – dont le responsable était mon frère Joseph, qui m’avait demandé d’écrire quelques lignes sur cette histoire savoureuse. Je l’ai fait avec plaisir. Avec l’aide de personnes de Soye, qui ont bien connu les gens représentés sur la photo, je suis parvenu au fil du temps à identifier ceux-ci. M’ont particulièrement aidé dans cette enquête : Germaine RAYMAECKERS, Louis LESSIRE, Alfred GILLAIN. Même si c’est à titre posthume, je les remercie. Et merci à Roger THIRY, dont la mémoire toujours très productive m’a réservé tout récemment de bonnes surprises.

Regardez bien cette photo prise le 5 septembre 1944 à hauteur de l’actuel n°20 de la rue de Spy à Soye, devant les dernières maisons avant les campagnes qui mènent à Jodion quand on sort de Soye, en venant de l’église. Les personnes que vous voyez ici sont sorties de chez elles pour acclamer le soldat qui faisait ainsi sa « joyeuse entrée ». Elles habitent dans le quartier, c’est évident. Vous pouvez demander à tous les gens qui ont connu la guerre et les jours enivrants de la Libération s’ils reconnaissent ce soldat si bien entouré. Il y a fort à parier que beaucoup vous répondront sans hésiter : « Oyi, don ! C’èst l’Bodin ! ». 

Flash-back (“l’Bodin”, expression, empruntée à la langue anglaise, après une exclamation en wallon, convient ici parfaitement ; vous allez comprendre.). Nous sommes en septembre 1944. Le village est en effervescence. Beaucoup d’habitants se sont rendus à Floreffe, le long de la grand-route, pour aller acclamer les militaires américains qui, venant de Fosses et de Sart-Saint-Laurent, se dirigent vers Namur et poursuivent les Allemands en train de se replier – les Anglais, eux, effectuent leur percée plus haut, par le Brabant wallon. 

Les gens restés au village sont sur le pas de leur porte et commentent passionnément les derniers événements. Soudain, ils voient arriver à toute allure, sur la route de Spy, un militaire allié, casqué, à moto ; de grosses lunettes cachent ses yeux. Aussitôt, c’est l’enthousiasme ; les cris fusent : « Vivent les Américains ! » Le soldat arrête sa moto. Un attroupement se forme. Julia BOUROTTE va chercher la cafetière qu’elle garde constamment à chauffer sur son poêle – nous sommes en Wallonie, n’est-ce pas, et c’est toujours avec une bonne tasse de café qu’on veut honorer le visiteur de passage – et offre à boire au libérateur étranger. Guy DAHIN, le fils de l’institutrice, agite un petit drapeau belge. « Vivent les Américains ! » Lentement, le soldat retire ses lunettes… « Oyi, dit-il, mais on-Amèrikin d’Sôye ! » Stupeur ! Les gens reconnaissent alors « le Bodin » : Auguste DEFURNAUX, né à Flawinne le 24 mars 1900, époux de Paula SOLOT, habitant rue Simon Remy à Soye, engagé dans l’armée anglaise, ayant participé aux campagnes d’Afrique de l’est et du nord de la France et maintenant maréchal des logis (sergent) au sein de la composante d’artillerie de la Brigade Piron. Le « baroudeur » vient de recevoir une permission de cinq jours (du 4 septembre 1944 au 8 septembre 1944) et en profite pour rejoindre Soye avec un véhicule de service (dans le cas présent, une moto de marque BSA). . Probablement a-t-il demandé à ses supérieurs d’y faire un petit crochet pour y revoir un instant sa femme et ses enfants. Arrivé à Soye, ses premières paroles sont d’ailleurs les suivantes : « Vos n’avoz né vèyu m’feume ? »

Cela méritait bien une photo : « le Bodin », l’air un peu goguenard, fixant l’objectif au milieu de ses concitoyens médusés, entre une cafetière, un bouquet de fleurs et un petit garçon tenant fièrement un drapeau belge. « Vos n’avoz né vèyu m’feume ? »…

Jean Bodson

Nous remercions messieurs Jean-Louis MARICHAL, secrétaire FRNAC Brigade Piron, Albert GILLAIN et Jean BODSON pour leurs précieuses informations.

  1. ???
  2. Julia BOUROTTE, sage-femme, épouse de Maximilien HANOT, menuisier
  3. Augusta THIRY, épouse de Jules BAJART
  4. Marthe PIERET, sœur de Joseph PIERET, menuisier
  5. Auguste DEFURNAUX
  6. Marcel GILLAIN, fils d’Henri et d’Esther NIGOT
  7. Guy DAHIN, fils d’Albert et de Joséphine GILLAIN, ancienne institutrice à Soye
  8. Emilie RAYMAECKERS, sœur de Germaine RAYMAECKERS
  9. Louis VAULET

 

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