René Jadot – 2e partie

Découverte du camp de Cassel 

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Réveil du 29 à 4h. Bonjour de loin.
En attendant notre thé, nous assistons
à une petite partie musicale donnée
par Ernest et Totor. Après notre déjeu-
ner une visite du camp nous avons
une superficie qui s’étend sur une
superficie de 40ha. La journée
continue en promenade. Nous
voyons des prisonniers russes en
concerts musiques, nous assistons
à la soirée dans la colonie
d’Auvelais à une belle soirée.
Etant en train de fumer
une cigarette sur mon grabat,
j’assiste à une bruyante

[5] Maurice GUSTIN, de Floreffe
[6] Ernest DETON, de Floreffe

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soirée donnée par des artistes
de la colonie de Soye. Il
est 9h ½. Je remets mon récit
à demain. 30 novembre, 2ème jour au
pensionnat de Cassel, levé
quand bon vous semble, après quoi
le thé nous arrive au lit. Je visite
ensuite mes voisins des camps,
je donne ensuite des nouvelles à
ma famille. Après-midi grande
sortie : j’assiste à un beau concert
à Bois-de-Villers. Je me couche
à 10h1/4[7] . Soudain alerte, on sort
tous et l’on voit arriver de nou-
veaux civils, ce sont des Flamands
du Limbourg. Je me remets
au lit, impossible de dormir,
encore arrive une bande de
Gembloux en chantant
le chant (…) et le concert dure

[7] Lire 22h15

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jusque vers 11 heures. Vous
pouvez vous rendre compte
de la liberté que l’on jouit.
Je me réveille le matin en
pensant à la Saint Eloi que
j’escomptais fêter avec les
amis de chez Paulin[8] mais
hélas !!!!. Après le déjeuner, longue
promenade. Nous rentrons pour mettre
au courant notre récit de voyage.
Nous écrivons sous le regard correc-
teur de notre directeur[9] Jean Wanet
(travail barbant) ( ?) puis nous dînons,
ensuite 1ère partie de cartes. A la soirée
arrive une troupe de Gembloux qui
vient nous donner quelques moments de
distraction. Groupe compositeur de notre
nouvelle chanson.Nous nous mettons
au lit à 9h du soir. Voyons

[8] Paulin MARTIN, de Floreffe
[9] Président du Comité de Secours au ravitaillement de Floreffe et décédé accidentellement le 08/05/1924. 

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que nous sommes rentrés tôt de
la St Eloi. Le 2/12/16, le tradi-
tionnel bonjour puis vers 10 heures
nous allons nous faire vacciner. Un
nombreux groupe de Floreffe se
propose de donner une grande
soirée ce soir. Vers 3 1/2h je passe
au barbier. On se croirait chez
Piret tellement il y a des coiffeurs.
Après la soupe du soir à 5h (dernier
repas), les chanteurs avancent sur
la scène floreffoise. Ernest, Edmond,
Désiré, Victorien[10] , votre serviteur. Nous
y allons de notre répertoire. Bref,
belle soirée. Le réveil du 03/12/16
me paraît plus amer en pensant
que c’est dimanche et que l’on
ne fera pas notre sortie habituelle avec
les amis restés chez nous. Ma

[10] Vraisemblablement Edmond DECAUWERT et Victorien BURTON ???

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pensée de ce jour sera souvent
reportée vers Floreffe en pensant
à différentes heures ce qu’on y
fait. J’ai devant moi le tableau
vivant mais hélas !!! Le dîner nous
goûte très bien vu qu’il y avait
pour dessert un bon gâteau fourni
par l’ami Maurice[11] qui est de
garde avec moi à partir de 2 h
pour surveiller nos bagages. Les
autres copains jouent une partie
de cartes . Le reste de l’après-midi
se passe en pensées moroses en com-
parant ce dimanche avec les derniers
passés chez nous !! Le soir, une
causerie passée près du feu jusque 9 h,
heure du coucher. J’ai omis de vous
dire que les Ardennais sont arrivés
dans l’après-midi. Pendant cette
nuit, alerte, on annonce de nouveaux

[11] Maurice GUSTIN

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civils : c’est Hasselt qui vient nous
rendre visite.

À Cassel - Découverte du camp

par Bernard Gillain

29/11 au 03/12
A Cassel – Découverte du camp et de ses occupants – Comment tuer le temps sans trop verser dans la nostalgie.

Après une courte nuit – lever à quatre heures ! – à la dure (le sac sert d’oreiller), notre déporté part à la découverte du camp de Cassel. Il n’en retient que sa vaste étendue (40 Ha, soit 40 terrains de football) ainsi que la présence de prisonniers russes.
René Jadot choisit d’adopter un ton badin, léger même si parfois, il lui arrive de laisser échapper quelques accents nostalgiques. Il recherche toutefois les distractions de toutes sortes.
Ainsi, il aime se promener longuement dans le camp, visiter ses compagnons d’infortune, participer à des soirées musicales – avec la «colonie» d’Auvelais, avec les artistes de Soye, en suivant un «concert» de Bois-de-Villers -, voire même en organisant lui-même une grande et belle soirée avec quatre copains-chanteurs, des Floreffois qu’il nomme par leurs prénoms.
Il assiste en curieux à l’arrivée nocturne des Flamands du Limbourg, du convoi de Gembloux parti le 29/11 et de déportés civils d’Hasselt ou encore des Ardennais.
Il joue des parties de cartes et le soir, près du feu, entretient de longues causeries…
Dès le 30 novembre, deuxième journée au camp, il décide d’envoyer des nouvelles à sa famille. La nostalgie commence vraiment à poindre à partir du 1er décembre, fête de saint Éloi, qui lui rappelle que ce saint patron, il le fêtait chez Paulin, le café de Floreffe où il a ses habitudes et cela, jusqu’à bien tard dans la soirée. Ici, à Cassel, il rentre au baraquement pour 21 heures.
Arrive le trois décembre, premier dimanche d’exil. Dès le réveil, il ressent l’amertume de ne pouvoir effectuer sa sortie hebdomadaire avec les amis. Et il revit, «heure par heure», cette journée dominicale. Ses pensées, on s’en doute, resteront moroses tout l’après-midi.

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